Entrons dans la forêt et la garrigue
d’avant la houille (+/- 1870), d’avant le charbon de terre et de pierre
(anthracite).La forêt est un lieu de vie, bruissant d’agitation humaine et de
rumeurs aux parlers et accents multiples, du petit lever au coucher du soleil.
Ecoutez ! Là-bas, la cognée du bûcheron qui orchestre les chants d’oiseaux, et par là, des rires d’enfants suivit de la cueilleuse de myrtilles accompagnée de son ami le chasseur de vipères, à moins qu’elle ne vienne ramasser du chiendent ou ramasser des glands à torréfier. Et de là, la vie de la charbonnière … notre charbonnier, sa femme et leur marmaille, arrivent dès que le merle et la grive commencent leur nid, après le travail du bucheron, quand le bois a un peu séché : leur vie est particulièrement rude ; femme et enfants travaillent avec le père de famille, en toutes saisons. Ils construisent des cabanes en bois ou en pierres et montent les charbonnières tout près pour les surveiller tout au long de leur combustion. Ce chantier n’est pas un ensemble constitué une fois pour toute. Il naît, grandit, décline et s’éteint. C’est pour un temps (de 6 mois à 8 ans) une cité végétale qui émerge de la forêt. Il s’y déroule une vie quotidienne avec des mariages, naissances et décès.
Le charbonnier choisit l’endroit où construire
son habitat et sa première meule. Il cherche d anciens emplacements car il faut
moins débroussailler et la terre y est restée profondément plus chaude. Même 30
ans après, la couleur plus foncée de la terre, l’herbe d’un vert-gris particulier,
le guidera.
L’emplacement
de la meule ne se fait jamais au hasard. Dans le cas contraire, il choisit un
emplacement fait de terre meuble, parfaitement aplani, sur lequel il plante un
poteau central de 2 m de hauteur autour duquel seront déposés des copeaux puis
des branches serrées verticalement de façon que la meule s’effondre
progressivement au cours de la calcination.
Une
fois entassée, la meule peut atteindre 1,60 m de hauteur et représente de 12 à
14 stères de bois. On la recouvre alors d’une épaisse couche de feuilles, puis
d’une couche de terre agglutinée avec un peu d’eau. C’est cette lourde chape
qui permet au bois de se calciner lentement sans flamme vive.
Pour allumer sa meule, le charbonnier grimpe à son sommet, enlève le poteau central et verse dans l’espace ainsi libéré une pelletée de braises rouges. Le feu une fois pris, le charbonnier rebouche la cheminée avec un petit pieu, gardant son poteau central pour de futures meules. Traditionnellement le charbonnier installe plusieurs meules dans sa clairière, mais prend soin, de n’en allumer qu’une meule à la fois afin de bien surveiller la calcination du bois.
Pour allumer sa meule, le charbonnier grimpe à son sommet, enlève le poteau central et verse dans l’espace ainsi libéré une pelletée de braises rouges. Le feu une fois pris, le charbonnier rebouche la cheminée avec un petit pieu, gardant son poteau central pour de futures meules. Traditionnellement le charbonnier installe plusieurs meules dans sa clairière, mais prend soin, de n’en allumer qu’une meule à la fois afin de bien surveiller la calcination du bois.
La
cuisson d’un fourneau peut prendre de 36 à 50 heures selon l’importance de la
meule, la nature du bois rassemblé et le tirage donné. L’orage imprévu ou les
risques d’incendie constituent les grandes craintes du charbonnier. L’ouverture
du fourneau demande 2 bonnes heures d’un travail qui doit être précis et rapide.
La poussière brûlante rend la tâche très pénible. Avec son râteau à longues
dents, le charbonnier fouille les entrailles de la meule pour en extraire les
braises. Le charbon obtenu est ensuite entassé en roue, une fois refroidi. Vient
ensuite le travail de l’ensachage, auquel peut participer toute la famille.
Quelques temps après, grâce à des charrois de bouviers, le charbon de bois
gagne enfin villes et villages, ou il est vendu au poids.
Son
logement, une cabane : petite pour ne pas perdre trop de bois et y garder
un peu de chaleur en hiver ; elle est ronde dressée sur 3 ou 4 pieux,
faite de branches, branchages, mousses, fougère, genêts, recouverte de gadoue
et tapissée de motte de gazon. Elle se confond dans le paysage. Jamais vraiment
fermée : la nuit notre charbonnier doit se lever toutes les deux heures.
Au fil des années, modernisme oblige, on la couvrira de papier goudronné, de
tôles, ce sera même une baraque en planches avec toiture. Pas de cheminée, le
charbonnier allume au milieu de sa case sur un losange de pierres plates, son
feu de charbon qui brûle sans fumée… Il s’agit de fumards, ces morceaux de bois
qui n’ont pas bien cuit. Quand il fait vraiment trop, trop froid, il s’enveloppe d’un sac à charbon.
La mobilité
et le manque d’écrits rendent incertaine la descendance des familles de
charbonnier et permettent peu de reconstituer civilement les familles.
Globalement
un enfant nait tous les deux ans, plusieurs meurent en bas-âge et peu, très peu
arrivent à l’âge adulte. Dès 9 ans, il aide son papa à rouler le bois et à
préparer les fouées, mettre le précieux combustible dans les sacs (parfois on triche !
on ajoute du sable !), vérifier la couleur de la fumée ; bleu c’est
OK, blanc ce n’est pas bon !), à le ramener quand il a pris une petite
cuite, braconner du petit gibier. Ils aident leurs mamans également, notamment
à fabriquer des galettes de châtaignes, à traire la chèvre qui fournit le lait,
à cueillir myrtilles, champignons et légumes sauvages, à récolter de l’eau pour
la soupe (parfois même, après la pluie dans les ornières laissées par les
charrettes).
L’enfant du
charbonnier n’a pas vraiment le temps d’apprendre à lire et à écrire, ni à
jouer de la petite trompette ou flûte qu’il s’est fabriquée dans un rejet vidé
de sa sève. Mais il apprend bien d’autres choses plus utiles à son quotidien.
Ses père et mère lui transmettent, les trucs et astuces indispensables à la vie
nomade.
Jusqu’au
milieu du XIXème siècle, l’activité de charbonnage est surtout pratiquée par
les paysans et les artisans qui exploitent la forêt selon leurs besoins et
cette activité n’est pas considérée comme un métier à part entière. L’activité
des charbonniers devient une spécialité dans la seconde moitié du XIXème,
d’abord aux mains des Auvergnats, puis à celles des Italiens. L’immigration
italienne s’intensifie entre 1870 et 1914, d’abord pour les travaux
saisonniers, puis pour fuir la misère sociale ou le régime fasciste instauré
par Mussolini. Le
terme charbonnier désigne le travailleur de la forêt, sachant couper le bois et
le carboniser. Très vite, ils sont appelés par les villageois « les
charbonniers ».
Le
charbon de bois est une substance solide s’apparentant au carbone, obtenu après
le dépouillement du bois de toutes les matières volatiles qu’il contient grâce
à la chaleur. Le charbon de bois fournit en énergie les véhicules à gazogène
des années 1940.
Les
derniers charbonniers, souvent surnommés les gueules noires disparurent à
l’époque de la seconde guère mondiale, à cause de la vulgarisation du gaz butane.
Béatrice Chauvin
Béatrice Chauvin